C’est en tant qu’enseignant, citoyen et père de famille que je vous communique le fond de ma pensée aujourd’hui.
Depuis mars 2020, le secteur de l’éducation, à l’instar du reste de la société, est bouleversé par la situation pandémique que nous connaissons tous. Se « réinventer », on ne fait que ça depuis bientôt près de deux ans. Nous avons répondu présent en s’adaptant, en changeant nos pratiques, en étant plus souples à bien des égards, etc. La collaboration a toujours été au rendez-vous, même au moment où nous étions en pleine négociation pour le renouvellement de nos conventions collectives. Même quand les décisions étaient douteuses.
En 2021, nous avons connu un automne presque normal. Je dis bien « presque », puisqu’il a fallu faire preuve, malgré une apparente normalité, de résilience, et faire mille et unes pirouettes afin de permettre le succès de la rentrée automnale. Comme bien des citoyens, les enseignants ont fait leur part.
Or, comme le démontre si bien Luc Laliberté, dans un de ses billets de blogue dont j’aurais aimé être l’auteur, il est temps que le gouvernement fasse preuve de transparence et nous dise enfin la vérité sur son plan de match pour gérer la pandémie.
Que les "anti-touttt" me comprennent bien : je ne suis pas en train de franchir le Rubicon et de me transformer en opposant aux mesures sanitaires. Je suis triplement vacciné, j’appuie la plupart des mesures sanitaires et je les applique tel que tous devraient le faire.
En revanche, les différents confinements n’ont pas étouffé mon sens critique et je suis d’avis qu’il est temps que ce gouvernement se fasse tirer quelque peu les oreilles. Nous ne sommes plus au moment où on se contentait de dessins d’arc-en-ciel dans les fenêtres, de tartelettes portugaises et de slogans creux comme « Ça va bien aller ».
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S’il y a une chose que la pandémie aura pu apporter de bon, dans le secteur de l’éducation, c’est de désillusionner ceux qui croyaient un peu naïvement que le développement des nouvelles technologies permettrait de remplacer les enseignants à moyen terme. « Dans le futur, avec Internet, Google Classroom, Wikipédia, tous les cours seront à distance, les ordinateurs remplaceront les profs, et blablabla. »
Niet. Foutaises.
Certes, il ne faut pas renier certains aspects positifs que comporte l'enseignement à distance. J’ai moi-même alimenté une chaîne YouTube spécialisée en histoire du Québec qui a passablement été utilisée avant et pendant la pandémie par des élèves et des enseignants. Cependant, je considère que cette pratique de l’enseignement en ligne, telle que vécue présentement, n'est qu'un bon dépanneur. Un « en attendant ». Un pis-aller, pour ne pas dire autre chose. En fait, ce n'est pas tant l'acte d'enseigner à distance qui est problématique, mais plutôt toutes les circonstances périphériques de celui-ci.
Vous connaissez le refrain. Cette version « jeune » du télétravail, en plus d'être nocive pour la santé mentale de nos jeunes, est démotivante et en désorganise plus d’un, en plus d’augmenter leurs vulnérabilités, tant au niveau social, affectif et pédagogique. Ce mode d’enseignement, plusieurs parents pourront en témoigner, complique l'organisation familiale de tous, en plus d’être un fardeau supplémentaire dans leur charge mentale.
C’est pire encore lorsque lesdits parents sont eux-mêmes en télétravail et tentent de faire leur possible pour concilier tous les aspects de leur vie. Ils doivent cependant se résigner à de petits deuils, comme celui d’accepter l’imperfection. Ils doivent aussi culpabiliser un peu, sans trop le crier sur les toits, d'avoir exposé leurs enfants à trop de temps d'écran. Et aussi, de se servir parfois de la télévision ou de la tablette comme d’une « gardienne » pour occuper leurs enfants alors qu’ils tentent du mieux qu’ils le peuvent d’accomplir leurs tâches en télétravail. Dans mon cas, il s’agit de préparer et donner des cours à distance et de m’assurer de l’encadrement des élèves qui me sont confiés. Ma santé mentale ? N’en parlons pas…
Ce que je dénonce aujourd’hui, ce n'est pas tant le retour au travail lundi. C'est plutôt les incohérences qu'on vit présentement du côté gouvernemental. D’un côté, on nous dit quotidiennement qu’on doit s'encabaner et limiter nos contacts sociaux. De l’autre, le gouvernement envoie des signaux contradictoires à ce principe qu’on nous a inculqué depuis mars 2020. La façon dont la réouverture des écoles s’organise en fait partie.
Et c’est là où le bât blesse. On semble vivre présentement un changement de paradigme dans la gestion de cette pandémie, mais on ne nous le dit pas franchement comme on le fait ailleurs. En Europe, on annonce dans certains pays que la moitié de la population sera infectée dans les prochains mois. Au Manitoba, on va plus loin et on affirme que tous attraperont Omicron.
Or, au Québec, hormis le fait de nous mettre en garde contre la contagiosité du virus, le gouvernement Legault fait semblant qu’on est cohérent depuis le début et qu’il n’y pas de changement de cap.
Je n’y crois pas une minute.
Ce nouveau paradigme caché, c'est d'atteindre une immunité collective en acceptant une infection communautaire très large. Voilà le nouveau leitmotiv des autorités sanitaires. Convainquez-moi du contraire. En lisant entre les lignes des gestes qu’ils posent, comme la réouverture des écoles, on comprend que le gouvernement prend le pari que le virus n’est pas dangereux ; la pandémie est devenue endémique et on doit « vivre avec le virus ».
C'est difficile à saisir quand, du même souffle, on nous annonce des dizaines de morts à chaque jour - presque une centaine ce matin - et qu'on considère le délestage en santé qui atteint des sommets inégalés. Au risque et péril de l'intégrité physique des milliers de Québécois qui voient leurs traitements anticancer retardés, sans compter tout le reste. C’est à ne plus rien y comprendre.
Qu'on change de paradigme ? OK. Si c'est ce que désirent les autorités sanitaires, parce que la science le dit. J'accepte. C’est raisonnable, si c’est ce qu’il faut.
Mais il serait temps que les autorités politiques aient le courage d'être transparents puisqu'ils ont un devoir moral envers leur population, le devoir de vérité. Or, on semble plutôt gérer la pandémie à la petite semaine, manquer de transparence. Je veux bien comprendre qu'on « bâtit l'avion en plein vol », mais il y a des limites à naviguer à vue. Ce manque de transparence alimente les sceptiques et ne rassure personne. Pas moi, en tout cas.
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Du côté des enseignants spécifiquement, plusieurs seront soulagés de voir enfin la rentrée scolaire hivernale s'effectuer lundi. J'en fais partie. J’ai hâte de recommencer « en vrai ». Retrouver de « vrais » élèves sera bon pour le moral. C’est nettement mieux d’enseigner en leur présence que de s’adresser à un moniteur devant une webcam. L'Humain est une bête sociale, c'est une évidence !
Mais cette joie de retrouver un semblant de normalité ne doit pas servir de paravent à une réalité qu'on désire ne pas voir. Ce n’est pas parce que l’école est ouverte que tout va bien.
Lundi, je serai inquiet comme citoyen, mais aussi comme individu. Inquiet pour le collectif, inquiet pour moi. Est-ce égoïste ? Peut-être. Le gouvernement nous bombarde de publicités pour nous dire de faire attention à notre santé mentale, alors je me prémunis de mon droit de parole. Je suis inquiet et le gouvernement ne fait rien pour nous rassurer.
On ne cesse de nous rabattre les oreilles, dans notre milieu et partout ailleurs, qu'il est important d'être bienveillants envers les jeunes. Bien évidemment que mes principes personnels concordent avec ce principe institutionnel et social! Personne n’est contre la tarte aux pommes !
Mais quand entendrons-nous les autorités parler de la bienveillance envers ses propres employés, dans ce cas-ci les enseignants ?
Qu'on me comprenne bien ! Je ne compare pas du tout notre situation à celles des employés qui sont dans l'œil de la tempête depuis le début de la pandémie. Je fais référence ici à ceux qui sont dans le secteur de la santé. Je leur manifeste mon admiration sans borne!
Mais reconnaître l'existence d'une catastrophe dans un secteur ne doit pas nous rendre complaisants dans les autres.
En éducation, on nous demande d’aller au front, mais on refuse de nous offrir des masques N95.... Semble-t-il que ce n'est pas efficace. J'en perds mon latin. Selon mes quelques lectures, il ne semble pas y avoir consensus scientifique à ce sujet. Rappelez-vous ce que le docteur Arruda disait à propos des couvre-visages en 2020. Mais même si ce n’est pas si efficace, pourquoi cette obstination à refuser de nous en procurer, ne serait-ce que comme principe de précaution?
Ce même principe de précaution nous a forcé, pendant des mois, à désinfecter les surfaces à tout moment. Pourtant, assez tôt dans la pandémie, la science nous a appris que c'était inutile, c'est un virus surtout transmis par aérosols. Les chances d’une transmission par les surfaces est infime.
Qu'à cela ne tienne! Il faut faire quelque-chose, quitte à ce que ça ne serve à rien!
Même chose avec les plexiglas qui étaient toujours présents avant les Fêtes un peu partout dans les salles des enseignants. Semblerait même qu'ils soient plus nuisibles qu’autre chose. Pas grave, on en installe! C’est tout croche, tout chambranlant, mais on a fait quelque-chose!
Des tests rapides remis aux élèves du secondaire ? Nenni!
On installe aussi des détecteurs de CO2 dans les classes. Que faire si on constate que les taux sont trop élevés ? Non, on n'installera pas des purificateurs d'air... Ça amène un faux sentiment de sécurité selon les autorités… Je vous rappelle que le détecteur, il ne fait que détecter. Il ne corrige pas la qualité de l’air. Elle est bonne selon notre jovialiste ministre Roberge.
On va plutôt ouvrir les fenêtres.
Même s’il faut -20 dehors. Pas grave si on gèle. On va installer de belles « tites-affiches » nous rappelant qu’il faut aussi ouvrir nos vasistas (j’ai appris ce que c’était avec la pandémie!) et nos fenêtres en tout temps, surtout lors des récréations. Du beau vocabulaire qui s’applique bien dans une école primaire. Mais au secondaire ? Dans d’immenses polyvalentes ? On devrait enseigner la porte grande ouverte ?
Et que faire si y’en a pas de fenêtres ?
Ouvrez la porte! C'est magique. Ouvre la porte, tout l'air devient sain. C'est connu.
Voyons donc, prenez-moi pour un idiot à temps plein.
D'autre part, avant que n’arrive le tsunami Omicron, le milieu de l'éducation souffrait déjà d'une grave pénurie de personnel. Je n'émettrai pas ici mon opinion quant aux causes de celle-ci. Le silence en dit parfois plus que les mots et, vous savez, le devoir de réserve…
Mais la covid a le dos large. Très large même. Ce n’est pas comme si on ne l'avait pas venue venir cette pénurie! Pas en 2020. Bien avant. Bien, bien avant. Mais on chiale le ventre plein les profs, on a deux mois de vacances l’été et plein de journées pédagogiques qui sont des congés selon François Legault.
Oui, on s’en rappelle Monsieur le Premier ministre, de cette malheureuse déclaration. Vous ne vous êtes jamais excusé. « Je me souviens » est notre devise nationale. J’enseigne l’histoire, de surcroit…
Si jamais vous êtes d’avis que les profs ne sont pas à plaindre et qu’ils devraient cesser de chialer avec les conditions qu’ils ont, vous avez là une belle occasion de venir en renfort et profiter de tous ces nombreux « bénéfices ». L'occasion n'aura jamais été aussi belle! Il n'a jamais été aussi facile d'enseigner.
En fait, pas d'enseigner.... de pouvoir venir enseigner. Oups. Nuance.
On nous a offert quoi, en guise de solution à ce manque flagrant de personnel ?
Une solution dont le milieu de la Santé ne veut plus - et avec raison! J'ai nommé : le temps supplémentaire obligatoire. Alléluia!
N'est-ce pas ce que le ministre Dubé a promis aux infirmières d'éliminer ? C'est du moins ce qu'il affirmait, cet automne, entre deux vagues de covid. Tout en nous rappelant qu'il était conscient que c'était une mauvaise pratique, mais que ce n’était pas de sa faute. C'est plutôt celle du gouvernement précédent... Et l'autre d'avant. Du déjà-vu.
Comment devons-nous réagir lorsque les centres de service, qui en ont le pouvoir, nous préparent de plus en plus à l'application de cette mesure, quand elle n'est pas déjà appliquée dans les milieux scolaires ?
Quand une idée n'est pas bonne pour Minou, on ne l'applique pas à Pitou. C'est pourtant ce qu'on fait.
Ah, oui! J'oubliais... Nos autorités scolaires ont fait une campagne publicitaire pour attirer du nouveau personnel enseignant. Je vais me taire à nouveau et me contenter de dire que c'est un peu comme essayer de sauver Hiroshima de la bombe atomique avec un camion de pompier. Il est trop tard et c'est nettement insuffisant. On a manqué de vision.
Encore.
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Alors lundi, on va entasser avec une trentaine d'ados dans des salles dont la ventilation est supposément bonne. Il y en aura des centaines dans les corridors et les cafétérias. Ils n'iront pas vraiment dehors parce, voyez-vous, c’est l’hiver et au Québec, il fait froid à ce temps de l’année.
On se donne bonne conscience en disant qu'ils ont un masque en tout temps et qu'ils pratiquent la distanciation sociale. De toute façon, l'école « ce n'est pas un lieu d'éclosion pire qu'ailleurs. »
Dixit, à peu de mots près, la Santé publique.
Prenez-moi pour un idiot à temps plein. (Bis)
Dans ce contexte de pandémie, combien de jours de travail vais-je perdre, dans les prochaines semaines, avec les nouvelles règles d'isolement qui s’appliqueront à mes enfants, mais aussi à moi et à ma conjointe, enseignante elle-aussi ?
Je suis triplement vacciné contre la covid, mais un simple rhume dans ma maisonnée, accompagné d'un mal de gorge, suffira à déstabiliser l’enseignement offert à mes élèves. Il faudra se fier à la bonne foi de tous étant donné la rareté des vrais tests PCR. On fonctionnera avec des déclarations volontaires. Pareil pour les élèves. Appliquez ça à l’ensemble de notre système et on vient de le paralyser. Que propose notre ministre déjà?
Ha oui... Les parents volontaires... Voilà qui est digne d'un épisode des Simpson, comme vous l'avez peut-être vu passer sur vos médias sociaux. Saison 6, épisode 21, pour ceux qui l’auraient manqué.
Mon auto-censeur va encore une fois s'appliquer ici. « C'est pas parce qu'on rit que c'est drôle » disait la revue Croc.
Et que se passera-t-il si c'est plus qu'un rhume mais plutôt la vraie covid ? En version courte et bénigne - la plus répandue - ou encore la longue et handicapante ? L'une comme l'autre, elle compliquera la vie de tout le monde. Les hôpitaux ne sont-ils pas débordés présentement ?
C'est assez déroutant d'aller en guerre quand le général (Legault) semble être en mode valse- hésitation, lançant des balounes en conférence de presse, au gré des sondages. Ce l’est encore plus quand la majorité des intervenants du milieu scolaire (selon mon imparfait pifomètre) ne fait pas confiance au lieutenant. (Le ministre Roberge)
Advienne que pourra. À la guerre comme à la guerre! Allez chercher vos doses de vaccin-là! Pas juste vous, vos enfants aussi!
Bonne rentrée lundi, on reprend le collier! Au moins, ça ne sera pas en « distanciel »
Un certain animateur de soirée électorale a popularisé le « Rigueur, rigueur, rigueur. ».
Moi je dis plutôt « Transparence, transparence, transparence ».
Image : Wkkipédia Commons