Bon, avant que la gent féminine ne s'esclaffe trop rapidement en lisant mon titre provocateur, disons plutôt que je fais référence à ce sentiment d'impuissance plutôt qu'aux problèmes phalliques qui vous sont venus à l'esprit en lisant mon titre.
On parle souvent de l'impuissance des enseignants face aux différentes difficultés qu'ils rencontrent. Sans entrer dans les détails, disons que l'enseignant contrôle bien peu de choses dans son métier, quoi qu'on en dise.
On lui impose un programme avec lequel il n'est pas toujours d'accord. On lui impose des évaluations pas toujours appropriées, etc.
Mais aujourd'hui, j'évoque davantage l'impuissance que l'enseignant peut ressentir devant lui même, ou du moins devant l'organisation qui devrait être le reflet de lui même. Devant une organisation qui devrait le rendre fier de ce qu'il est, qui devrait être le premier rempart pour le protéger : ci-nommé son syndicat.
Depuis quelques mois, pour ceux qui l'ignorent, les enseignants sont en moyens de pression. Oui oui, vous n'aviez pas remarqué? Quelques discrètes publicités télé et sur les véhicules du transport en commun de plusieurs villes auraient pourtant dû vous tenir au courant!
Je serai clair, pour une fois : je suis tout à fait en accord avec les demandes faites par mon syndicat. Celles-ci étaient articulées principalement envers trois axes : la précarité d'emploi, l'aide aux élèves intégrés et la diminution du nombre d'élèves par classe. Comment être contre la vertu?
Bien que je partage à fond les demandes faites par mon organisation, il est grandement temps de dire les choses telles qu'elles sont : celui ou celle qui a conçu la campagne de relations publiques de mon syndicat devrait être accusé pour incitation au cynisme. Rien de moins, cette campagne d'image était d'un ridicule grossier que les enseignants ont, dans mon milieu du moins, très ouvertement critiquée. On peut être d'accord avec le message, mais pas avec les moyens.
Honnêtement, est-ce que c'est supposé nous représenter ce petit bonhomme là?
D'abord, c'est un homme ou une femme cette mascotte? J'imagine que les spécialistes des relations publiques me diront que c'est un atout et très
politically correct d'avoir un porte-parole androgyne. N'empêche que le ridicule ne tue pas, heureusement! Dans un contexte où un enseignant tente d'avoir de la crédibilité dans la société, il est difficile de ne pas rire jaune devant un personnage que les Simpsons ne renieraient pas. Celui-ci est d'une laideur qui rendrait jolie la plus moche des moches.
Mais l'insulte à l'injure, c'est le reste : les moyens de pression.
Mais avant de parler de ceux-ci, parlons du kit de survie syndical, qu'on nous a remis à la pièce :
- Un foulard FSE
- Une clé USB qui est à la fois un bracelet à l'effigie de la FSE
- Un petit fanion FSE
- Un autocollant FSE avec l'abominable homme-femme-des-jaunes
- Un petit paquet de "Post It" FSE
J'en oublie sûrement.
De moi me plains-je, vous entends-je!?
"Ton syndicat te fait des beaux cadeaux!", dîtes vous? Oui, bien sûr.
On trouvera à chaque item une utilité en vue du plan de mobilisation adopté par mon syndicat, des outils utilisés pour les moyens de pression.
Par exemple, la clé-usb-bracelet se connecte à un serveur qui envoie des informations en lien avec le syndicat. Pas si bête, après tout. Mais il s'agit de faire le tour des enseignants pour constater que ceux qui ont utilisé véritablement la clé-usb-bracelet pour s'informer de leur syndicat ne sont pas légion... Je rajouterais que je n'ai pas vu un seul de mes collègues porter ladite clé USB au poignet le jour de la semaine désigné afin de démontrer que nous sommes solidaires.
Parce que c'est pathétiquement inutile.
On n'est pas loin des moyens de pression de 2005, encore plus risibles, où nous devions nous habiller en noir le mardi, en guise de jour de "deuil" devant nos si piètres conditions...
On pourrait continuer comme ça avec les autres "cadeaux" offerts par mon organisation syndicale. Un foulard très quelconque, des Post-It que j'aurais pu me payer moi même, etc.
Doit-je rappeler que l'année dernière, à la fin de l'année fiscale 2009, une ponction totale de 802,73$ avait été faite sur ma paye annuelle afin, formule Rand oblige, de me donner le privilège de faire partie des organisations syndicales qui me représentent?
Dois-je rappeler que les vrais moyens de pression - pas ceux qui n'impressionnent personne, je parle des vrais là! - sont totalement hors de notre portée pour la simple et bonne raison que les enseignants n'ont
pas de
fonds de grève. Vous vous souvenez, en 2005, quand les enseignants ont fait la grève pendant deux jours, de manière non consécutive? Combien pensez-vous que l'État a pu économiser en salaire non versé, grâce à cette grève?
Il était facile ensuite d'imposer le bâillon et de faire passer, grâce à une confortable majorité parlementaire et une indifférence du public, un contrat de travail de force (la loi 142), dont les quelques dispositions favorisant les élèves ont été financées à même le salaire non versé aux enseignants.
Ça, le public ne sait pas.
802$ par an. Pas de fonds de grève. Pas de grosse machine syndicale qui va me donner une partie de mon salaire, ne serait-ce qu'un montant forfaitaire pour faire aller piqueter.
Ne ne vous demandez pas pourquoi il est très difficile de déclencher une grève chez les profs. La carte de crédit des enseignants à statut précaire est déjà pas mal pleine, en attente de payes irrégulières que leur statut leur impose...
Ainsi donc, je suis membre du Syndicat de l'Enseignement des Deux Rives. Lui même affilié à la Fédération des Enseignants du Québec (FSE, l'auteure de l'atroce campagne du p'tit bonhomme-bonnefemme jaune). Elle même est confédérée à la CSQ, la Centrale des syndicats du Québec.
Beaucoup de structure, beaucoup de monde.
Du bon monde, oui. Mais beaucoup
trop de monde. Et du monde qui ne remplit nécessairement un travail fait normalement par un syndicat, c'est-à-dire représenter ses travailleurs.
Est-ce nécessaire d'avoir autant de structures? Peut-on faire mieux avec moins? Être efficace? Je tiens à insister que le problème ne touche pas les individus, surtout au niveau local. Plusieurs font un travail extraordinaire, dans l'ombre plus souvent qu'autrement. Je parle de la Machine. Celle qui veut toujours grossir davantage, se nourrissant tel un boulimique de structures toujours de plus en plus lourdes.
Le même débat fait rage quant au rôle des Commissions scolaires. Plus personne ne va voter aux élections scolaires, sauf la famille immédiate des candidats. Encore faut-il qu'il ne fasse pas beau soleil et que ces personnes proches des candidats ne trouvent pas de choses plus importantes à faire, comme aller tondre le gazon. Ou encore qu'il fasse trop mauvais et que ceux-ci préfèrent rester à la maison plutôt qu'affronter les aléas de Dame Nature pour un vote insignifiant.
Les assemblées syndicales sont, de la même façon, vides. Les enseignants ne s'y présentent pas (ou plus).
Une minorité vote des choses avec laquelle la majorité n'est souvent pas d'accord.
Mais cette majorité est silencieuse.
Honnêtement, je connais peu, vraiment très peu d'enseignants présentement qui trouvent que la campagne de relations publiques du syndicat ait été un succès. Pas plus que je ne peux trouver un enseignant qui est heureux de faire partie du même Front commun, quant aux demandes salariales, que les fonctionnaires.
Je connais encore moins d'enseignants qui sont heureux de recevoir les babioles quelconques envoyées par mon syndicat, des babioles au prix unitaire probablement dérisoire. Mais au total...
Je connais encore moins d'enseignants qui comprennent la pertinence de publier des revues sur papier couleur glacé -
Nouvelles CSQ - distribuées à chaque enseignant. Très peu d'enseignants ne prennent véritablement la peine de lire celles-ci, sauf quelques motivés. La majorité de ces magazines trouvent leur chemin dans les bacs de recyclage. Une version en format PDF envoyée à tous, ne serait-ce pas une alternative plus écolo-logique? Quand on sait que cette paperasse provient d'un syndicat qui encourage les écoles à être elles-mêmes écologiques en demandant des accréditations "EVB - Écoles Vertes Bundtland, on est en droit de rire.
Suis-je vraiment le seul enseignant qui n'en peut plus de voir le syndicat me remettre à chaque fin d'année scolaire un agenda boudiné constitué en bonne partie par des pages de publicité? Honnêtement, jamais je n'ai jamais vu un enseignant utiliser celui-ci dans les quatre écoles où je suis passé. Direction vidanges.
En assemblée générale, lorsque l'empêcheur de tourner en rond que je suis a dénoncé cette situation, on m'a gentiment rappelé que le coût réel de ces publications était nul puisqu'il était auto-financé par de la publicité justement.
On est loin des relations de travail.
Est-ce là
vraiment le rôle d'un syndicat? Et le coût en ressources humaines, la conception, la production et la distribution de ces publications, qu'en fait-on?
Le syndicalisme est déconnecté de la réalité et des valeurs des jeunes d'aujourd'hui. Il souffre de
structurite, comme trop d'organisations publiques.
En attendant, bravo syndicat pour votre règlement sur les clauses normatives d'une future convention collective. Un règlement dont j'ai hâte de voir les tenants et aboutissants. Je suis très sceptique. Et je ne suis pas le seul, il semble que le
Professeur masqué soit du même avis que moi.
Je me prononcerai sur ce règlement quand je le connaitrai. Autrement, ça serait un peu parler à travers mon chapeau.
En attendant, me voilà plus qu'heureux de voir les moyens de pression suspendus. De ne plus avoir un double discours avec mes élèves.
Parce que voyez-vous, à cause de ces fichus moyens de pression, j'étais en pleine contradiction avec moi même - et je ne suis pas le seul à le penser.
Ainsi, mercredi, je vais cesser de me contredire. Parce que voyez-vous, avec ces moyens de pression, je devais les faire sortir dix minutes avant la fin de mon cours.
Le reste du temps, je devais tenter de les motiver à travailler, leur rappeler l'importance d'être rigoureux dans leur travail, même en fin d'année scolaire. Leur dire que les examens approchent, qu'il faut profiter de toutes les minutes pour être fin prêts.
C'était notre moyen de pression le plus "musclé"...