Dans une livre anglaise, utilisée ici autrefois, il y avait trente sous. De là l'expression "quatre trente sous pour une piastre", la piastre étant une monnaie espagnole utilisée durant le Régime français, on en vint vite à parler des piastres comme si c'était des livres anglaises, de là l'expression.
Or, lorsqu'on utilise cette expression, on veut bel et bien parler d'un échange qui ne donne pas grand chose. À quoi bon changer quatre trente sous si ce n'est que pour avoir l'équivalent? Le jeu en vaut-t-il la chandelle, pour reprendre un autre adage populaire?
Cela étant dit, M. Harper a joué le jeu et nous en refilé toute une chandelle, en opérant aujourd'hui un remaniement ministériel. Cette habitude politique, vieille comme le monde, est utilisée par tous les partis au pouvoir. Lorsqu'un gouvernement voit qu'il stagne dans les sondages - ou pire qu'il est en chute! - il brasse les cartes afin d'espérer qu'un Joker sorte du paquet. Il en a bien besoin.
Les cartes sont donc brassées : les jeux sont faits, rien ne va plus. Cette expression est plus qu'à propos.
Pour Harper, en pleine période où le Parlement a été prorogé, c'est une occasion en or de se refaire une crédibilité devant l'électorat. Personne, sauf les médias, ne sera là pour le critiquer. L'Opposition officielle, comme la non-officielle, devra se passer des clips du Téléjournal puisés à même la période des questions ou des scrums de fin d'après-midi. Il sera plus difficile de se faire entendre et de critiquer le gouvernement pour eux ; pas étonnant qu'ils aient été contre la prorogation, ils perdent énormément de visibilité.
Une autre raison a sûrement incité Harper à procéder à son remaniement ministériel : la crise en Haïti.
Non, Harper n'a pas souhaité la crise en Haïti. Personne ne souhaite ça. Je veux bien croire qu'il est machiavélique, mais il ne faut pas exagérer. Je dirais même que bien qu'on puisse trouver les efforts du Canada insuffisants, il a tout de même réagit à la crise et il a pris des décisions rapides : on n'en attend pas moins d'un chef de gouvernement. Je reviendrai plus tard pour en parler, ce n'est pas le propos aujourd'hui.
Voilà ce qui constitue un
momentum pour se refaire une image sein de l'électorat. Envoyer des troupes armées pour des raisons humanitaires, c'est toujours bien plus sexy que de parler de coupures budgétaires et d'économie chancelante! Le PC risque de remonter dans les sondages lorsque les premières images de nos troupes seront à Haïti à construire des ponts.
Mais ne soyons pas dupes. Le gouvernement Harper reste le gouvernement Harper. Composé de quatre députés québécois, on parle ici plus d'un gouvernement allianciste que d'un gouvernement du défunt Parti progressiste-conservateur.
Un cabinet dominé par l'autre nation. Dois-je rappeler que le cabinet est composé de 38 personnes, ce qui fait donc une représentation québécoise d'à peine plus de 10% du cabinet. On est bien loin du pourcentage réel que la nation québécoise représente au sein de la fédération canadienne.
Pas mal, n'est-ce pas, dans une pays supposément bilingue et biculturel?
Ces quatre Ministres, ces pantins québécois, sont en soi des représentants du gouvernement conservateur au Québec. Ceux-ci ne défendant pas les dossiers chers au Québec ; ils sont plutôt constamment sur la défensive afin de vendre aux Québécois les politiques du régime de Harper. Les exemples en ce sens ne manquent pas.
Un de ceux qui se couchera avec le sentiment d'un vote de non confiance de son chef, c'est Jean-Pierre Blacburn. Depuis le début de sa seconde carrière au gouvernement, il est d'abord passé par le Ministère du Travail et à l'Agence de développement économique. Ensuite, on lui a confié le Ministère du Revenu et il a cumulé le Ministère d'État (un poste de ministre junior) à l'Agriculture. Aujourd'hui, il perd son Ministère du Revenu pour aller s'occuper des Anciens combattants. Loin de moi l'idée d'enlever de l'importance à nos anciens combattants, mais ce ministère est loin d'être parmi les plus importants du Cabinet.
Pas de changement pour Josée Verner. Elle reste dans les ligues mineures avec son Ministère-du-découpage-de-rubans. En effet, il est bien utile pour les conservateurs d'avoir cette francophone de service à leurs côtés lorsque vient le temps de faire des annonces au Québec. Cependant, sa véritable influence politique au Cabinet, avec son Ministère des affaires intergouvernementales et à la francophonie, est somme toute très négligeable.
Celui qui sait user de démagogie avec si peu d'éloquence que c'en est drôle, Christian Paradis, se trouve quant à lui aux Ministère des Ressources naturelles, qui est un tout de même un ministère intéressant. Lieutenant de Stephen Harper, il est toujours sur la ligne de front quand vient le temps de prendre la défense des conservateurs au Québec. Il a au moins le mérite de ne pas avoir peur du ridicule. On risque de le revoir amplement patiner avec si peu de fantaisie avec les sophismes auxquels ils nous a habitués Tout ça afin de nous faire comprendre à nous, Québécois ingrats que nous sommes, le bien fondé des sables bitumineux qui sont si rentables. Car oui, c'est lui aura la responsabilité ministérielle de cette ressource naturelle qui a poussé le gouvernement Harper à discréditer l'ensemble du pays à Cophenhague, il y a quelques semaines.
Le seul membre du cabinet qui me semble un tant soit peu crédible, c'est Lauwrence Cannon. Disons qu'il profite de la faiblesse de ses prédécesseurs Peter Mackay et Maxime Bernier. Vous vous souvenez, des Jos Louis, à Kandahar? Reste à savoir s'il saura redonner du lustre au Canada à l'étranger. Bien que ce ne soit pas une nomination nouvelle, il aura du pain sur la planche pour réparer les pots cassés au Danemark. Osons espérer qu'il saura donner un rôle de leadership au Canada lorsque viendra le temps de reconstruire Haïti. Cannon a encore des preuves à faire s'il veut garder son poste. Pas facile de représenter les intérêts d'un gouvernement conservateur à l'étranger.
Le plus étonnant dans ce remaniement, c'est l'absence de M. Steven Blaney. Je peux reconnaître à Blaney ses qualités humaines pour l'avoir rencontré à quelques reprises. Un chic type. Le fait qu'il n'ait pas obtenu de Ministère est plus qu'étonnant, étant donné les apparitions publiques nationales de plus en plus nombreuses dont il a profité qui lui ont donné de la visibilité. Soyons honnêtes, pourrait-il faire pire que Christian Paradis? Je ne crois pas. Mais je dois avouer que son arrogance de plus en plus marquée dans les médias me fait rapidement oublier toute compassion pour Blaney d'avoir été laissé de côté, encore une fois. Je me souviens d'un Steven Blaney qui, en campagne électorale, voulait qu'on se donne "le vrai" pouvoir.
Selon lui, est-ce qu'un député d'arrière ban, c'est vraiment ce dont il parlait? M. Blaney mentirait s'il disait ne pas être déçu, même si c'est la réplique conforme à la langue de bois qu'il nous offrira lorsqu'il sera interrogé à ce sujet.
Avant de conclure ce billet, je ne peux passer sous silence un grand retour : c'est la fin de la brève disgrâce pour Rona Ambrose. Ça vous dit quelque chose, le
Clean Air Act? Vous savez, c'est cette loi votée lors du largage du protocole de Kyoto. On avait remplacé celui-ci par une version édulcorée d'un protocole dont on niait la pertinence. Elle fut même de ceux qui ont longtemps nié l'existence de la corrélation entre les changements climatiques et les gaz à effet de serre. On ne s'est pas étonné en voyant, à l'époque, des objectifs aussi peu ambitieux que des baisses des émanations de GES applicables pour... l'an 2050! Ambrose est bel et bien de retour, aux Travaux publics et aux Services gouvernementaux cette fois-ci. Comme quoi il n'est pas toujours nécessaire d'attendre le Jugement dernier avant de quitter le Purgatoire. Six mois en politique, c'est une éternité. Elle a donc eu plus que nécessaire pour se refaire une virginité politique.. Maxime Bernier, tu es le prochain.
Ne vous laissez pas berner. Dans quelques mois, il y aura un budget nettement déficitaire. Et encore une fois, on le sait bien, ça sera la faute au maudit Bloc Québécois. Du moins, selon les porte-étendards du PC au Québec.
Ils sont là depuis 4 ans bientôt?
Ben oui... faudrait leur donner une majorité pour qu'ils gouvernement mieux... ou moins mal.